Languages

La création d'une pharmacie humanitaire

Médecins du Monde et Multipharma souhaitent créer une pharmacie humanitaire.

Les problèmes sociétaux sont complexes et une organisation isolée a peu de chances d'y apporter une solution. Mais lorsque différentes organisations mettent leurs forces et leur expertise en commun, elles sont en mesure de relever des défis durables. Cette manière de travailler est également qualifiée de partenariat. Mais, tout comme le développement durable, les partenariats (ou co-création) sont encore un peu une notion niche. C'est la raison pour laquelle l'IFDD a décidé, en 2015, d'axer l'appel à subventions sur ces partenariats. Maintenant que les projets sont en plein développement, nous tenons à les mettre en lumière. Comment se déroulent les projets, mais surtout, comment se déroulent les partenariats ? Pour notre troisième entretien, nous nous sommes rendus au bureau de Médecins du Monde. Nous nous y sommes entretenus avec Élodie Richard et les autres partenaires dans le projet, Anne Santi (Multipharma) et Loïc Van Cutsem (Oksigen Lab). Ensemble, ils souhaitent créer une pharmacie humanitaire.

L’accès aux médicaments reste compliqué pour certains publics fragilisés en Belgique, malgré un système de santé qui se veut théoriquement inclusif. Médecins du Monde travaille avec et pour ces publics vulnérables et a besoin de médicaments pour ces patients. Grâce à un partenariat fort, Multipharma offre des conditions avantageuses à MdM pour ces patients. Une coopération multifonctionnelle qui, notamment en raison des défis sociétaux actuels et de la responsabilité sociétale de ces deux organisations, a inspiré la mise sur pied d'un projet de co-création. Un projet au sein duquel les deux organisations recherchent des possibilités de faciliter l'accès aux médicaments des personnes démunies en Belgique. De 0,5 à 1 % de la population résidant sur le territoire belge reste en effet exclue du système de santé et a donc des difficultés d’accès aux médicaments.

La solidarité est l'une des valeurs de Multipharma. La concrétisation de celle-ci est un « défi » que Multipharma entend relever. Médecins du Monde est confronté depuis longtemps aux obstacles liés au défi évoqué ci-dessus. L'évolution d'une coopération positive vers un partenariat ne pouvait représenter qu'une plus-value pour eux. Mettre la solidarité à l'ordre du jour ne constitue pas un problème, mais l'appliquer de manière effective peut être parfois plus difficile. Ceci est, par ailleurs, également l'une des raisons pour lesquelles Médecins du Monde a voulu s'associer à Multipharma : ils ont le sentiment que Multipharma est animée d'une réelle volonté de fournir une contribution à d'autres organisations ! Médecins du Monde y voit également un apport positif. L’expertise du secteur pharmaceutique et la disponibilité d’un réseau d’officines accessibles sur le territoire belge répondent à un besoin fort de l’organisation.

Peu après le lancement du partenariat entre Médecins du Monde et Multipharma, il a été décidé de recourir à l'expertise externe d'un bureau-conseil en matière de conduite de projets et expert en matière d'établissement de plans d'entreprise. C'est ainsi qu'Oksigen Lab est devenu le troisième partenaire dans ce projet.

Lors du développement du projet, après une analyse des possibilités et la consultation de différents services, les partenaires se sont heurtés à des barrières légales. De ce fait, certaines hypothèses de départ ont dû être revues et de nouveaux scénarios sont recherchés.

Le scénario finalement adopté, après réflexion et argumentation des besoins et avantages des deux protagonistes, est celui d'une 'pharmacie humanitaire'. Ce concept prévoit la création d'une plate-forme formant un lien entre le monde pharmaceutique, d'une part, et les organisations qui ont besoin de médicaments pour leur groupe cible, d'autre part. Les efforts ne sont actuellement pas ménagés dans les coulisses ; lorsque le projet démarrera, il fera l'objet d'une communication plus détaillée.

Les trois partenaires sont convaincus qu'il s'agit d'un partenariat enrichissant, rassemblant une importante expertise et de nombreuses connaissances. C'est ainsi que Médecins du Monde connait les besoins et les défis du projet et du groupe cible, que Multipharma offre essentiellement ses connaissances dans le domaine pharmaceutique et qu'Oksigen Lab apporte une assistance sur le plan méthodologique. Chaque partenaire essaie ainsi d'utiliser au mieux son expertise. Mais ce n'est pas toujours suffisant, ni même évident. Une certaine expertise fait parfois défaut, pour permettre de résoudre certains problèmes ou questions ou d'évaluer ceux-ci à l'avance.

L'implication de nombreuses parties prenantes est également frappante dans ce partenariat. Il s'agit de nombreuses autres organisations humanitaires prodiguant des soins aux personnes démunies, d'autorités (en matière de législation), d'organisations sectorielles, ... Il convient par ailleurs d'intégrer certains partenaires dans le réseau pour que l'on puisse progresser. Dans le cas présent, par exemple, pour établir des contacts et conclure des accords avec un projet analogue en France. Les partenaires estiment qu'ils ne doivent pas réinventer à tout prix la roue, de nombreuses questions seront traitées au sein d'un projet en France (p.ex. liste de médicaments et de fournisseurs), il faut donc pouvoir s’inspirer de ce qui existe.

L'une des conditions d'un bon partenariat est l'existence de bons et surtout accords clairs. Dès le début, il faut savoir clairement de quelle manière chaque partenaire apportera sa contribution et ce que l'on attend de chacun, tout en prenant garde à ne pas trop s'avancer en matière de promesses. Chaque partenaire doit également être au courant des objectifs du projet en général et de chaque partenaire en particulier. Ceci est certainement important lorsque le projet rencontre des difficultés, de manière à ce que toutes les parties impliquées dans le projet soient sur la même longueur d'onde.

Les partenaires doivent, par ailleurs, se connaître et se comprendre suffisamment. C'est pourquoi une réunion est organisée entre les deux partenaires. L'objectif est alors de porter un regard sur le monde de l'autre, de mieux se comprendre et de mieux comprendre les intérêts de chacun. La confiance est également un mot-clé pour la réussite d'un partenariat (confiance en chacun et confiance dans les objectifs). Apprendre à coopérer est évidemment l'une des principales priorités pour réussir un partenariat. Les partenaires doivent se rencontrer, discuter et échanger leurs bonnes pratiques !

Si l’objectif est sensiblement similaire pour les différentes organisations, le partenariat se déroule en général sans doute plus facilement. Même Médecins du Monde affirme que l’organisation réfléchit à deux fois avant de conclure un accord. Une charte éthique peut, par exemple, aider à faire des choix plus réfléchis.

Dans le contexte actuel, il est de plus en plus important de lancer des partenariats, affirme Multipharma ! L'espoir existe de voir l'organisation y accorder encore plus d'importance dans le futur. Elle déclare également qu'il ne faut toutefois pas exagérer en la matière et qu'il est peut-être parfois préférable de se concentrer sur la réussite d'un seul projet plutôt que miser sur plusieurs partenariats.

On a l'impression qu'en règle générale, les ONG se tournent de plus en plus vers différents types de partenaires. Le secteur marchand de son côté, développe de plus en plus des démarches de responsabilité sociale des entreprises. Alors que la solidarité s'exprimait auparavant par des actions humanitaires à petite échelle (courir dans un but humanitaire, vente de gadgets, ...) ou des dons d'argent, il s'agit actuellement de plus en plus d'aide structurelle et de mise sur pied de projets de partenariat stratégique.

Si ce projet devait apparaître irréalisable, il aura été, malgré tout, l'amorce de la stimulation d'autres partenariats ou d'une culture de partenariat. Mais les partenaires continuent à croire en la faisabilité de leur projet. Le projet doit réussir ; dans le cas contraire, un plan B (et, le cas échéant, un plan C) sera mis en œuvre.